Pourquoi E. Macron peut (va) gagner la présidentielle

Attaché à une autre idée de ce que sont les valeurs de gauche, je ne voterai pas E. Macron au premier tour de l’élection présidentielle.

Pour autant il convient de lui reconnaître une parfaite légitimité à être candidat et une montée en puissance qui interpelle. Sa démarche singulière, portée par la sphère médiatique, fonctionne et une série de facteurs favorables laissent à penser qu’il peut désormais réussir son pari, celui de  devenir le prochain président de la République.

 

Une légitimité portée par le renoncement de F. Hollande

 

Il faudra du temps pour appréhender toute l’importance de la décision prise par F. Hollande.

Quoiqu’il en soit, le renoncement du Président rend vain la défense de son bilan pour le Parti Socialiste. Toutes les justifications tentées pour ce faire se heurtent à cette réalité comme à un mur : si le Président lui-même considère qu’il n’est plus légitime pour porter un programme et une candidature, comment son propre parti peut à la fois défendre une mandature, tout en s’en dédouanant efficacement ?

Les valses-hésitations ne payent que rarement en politique, et encore moins dans le contexte actuel.

D’une certaine façon, ce sont J.L. Mélenchon et E. Macron qui par leur positionnement cohérent, ont à la fois contraint et validé le choix présidentiel. Ils représentent chacun, une conception de la gauche entre lesquelles le parti socialiste est écartelé. Candidat de la rupture au Bourget, puis présidant avec E.Macron, F.Hollande incarne en personne ce tiraillement. Faute d’avoir su clarifier les choses, F. Hollande et le Parti Socialiste participent de fait à la légitimisation des candidatures Mélenchon et Macron.

Bien sûr il restera des électeurs socialistes. Mais ils voteront, souvent sans conviction, dans l’espoir qu’une refondation puisse avoir lieu après la déroute. Et si les sondages se confirment,  l’idée d’un vote utile sur un programme franc, clair et salutaire pour la gauche s’imposera pour nombre d’électeurs. Ce vote utile sera, selon les convictions de chacun(e) celui de Mélenchon ou de Macron, mais il ne sera pas celui du candidat socialiste. Il ne serait d’ailleurs pas impossible que la question du retrait de ce dernier soit sérieusement débattue à mesure que l’échéance se rapproche. Le P.S. n’aurait plus qu’à suivre F. Hollande jusqu’ au dernier jour de son mandat, c’est-à-dire jusqu’à son effacement.

 

 

Le piège des primaires ratées

 

Ratées, mal-pensées, les primaires l’étaient dès lors qu’elles n’étaient pas en mesure de rassembler la gauche dans toute sa diversité et qu’elles plaçaient le Président dans une situation intenable.

Devenue un simple mode participatif de désignation du candidat du P.S., elles ont reproduit les mécanismes de déchirure interne propre à un congrès. A trois mois de l’élection présidentielle la stratégie du parti socialiste interpelle. Après avoir conduit le Président au renoncement, il se condamne  à une crise durable, voire à son éclatement.

En outre, les ralliements qui commencent, vont se multiplier notamment à cause du calendrier législatif. Nécessité fait loi. L’opportunisme électoral risque bien de pousser nombre de candidat(e)s à renoncer à l’étiquette « Parti Socialiste » pour intégrer la sphère macroniste. Par temps agité, mieux vaut être porté par une vague que plombé par un boulet. La primaire sera lourde de conséquences pour le Parti Socialiste.

 

 

 

Une vraie capacité de synthèse et de séduction

 

 

Bousculer le cadre traditionnel des partis, proposer une alternative nouvelle, incarner sur son image une dynamique personnifiée et séductrice…

  1. Macron sait charmer et convaincre un électorat ventre mou dans le paysage politique national. Mais il parle aussi à la gauche par le biais de certains sujets sociétaux sur lesquels le Parti Socialiste est devenu inaudible. Bousculant la gauche avec des propos iconoclastes, il séduit également la droite sur le registre économique et social. En somme, le personnage est en train de réussir le pari de ne pas apparaître comme le candidat du « ni gauche, ni droite » mais comme celui du « et gauche et droite ». Grain de sable dans les rouages de la mécanique présidentielle traditionnelle, E. Macron est en passe d’en devenir le dynamiteur.

C’est d’ailleurs ce qui séduit une grande partie de ses électeurs potentiels et rapproche la dynamique Macron de celles qui depuis dix ans ont porté dans des contextes et registres différents S. Royal, F. Bayrou, D.S.K. ou E.E.L.V. à la mode Cohn-Bendit. Si ces quelques exemples ont échoué à concrétiser leurs ambitions, l’heure est peut-être celle du candidat Macron.

Force est de constater que l’engouement médiatique et populaire, qui interagissent de façon vertueuse pour E. Macron, a quelque chose d’irrationnel. Mais l’espoir est là. On trouve dans cette dynamique qui le porte, une geste bonapartiste et romantique, finalement conforme à l’esprit premier qui anime l’élection présidentielle depuis son origine.

 

L’inattendu F. Fillon

 

Une droite décomplexée, conservatrice voire réactionnaire va mener campagne.

On n’imaginait pas la droite nous proposer un candidat qui conjugue le rayonnement d’un E. Balladur,  les visions sociétales d’une C. Boutin et l’approche économique d’un A. Madelin de la grande époque. Il s’incarne en F. Fillon et son triomphe à la primaire continue de donner la « gueule de bois » à de nombreux caciques et électeurs de son propre camp.

Les défections et les voix discordantes n’ont pas tardé à se manifester et posent le problème d’un candidat lui aussi pris au piège de la primaire qu’il a remportée:

-soit F. Fillon « recentre » son programme. Il revient alors sur son engagement à tenir une ligne dure et perdra une grande part de sa crédibilité.

-soit il maintient ce positionnement très droitier et se coupe presque mécaniquement d’un électorat de centre-droit fondamentalement heurté  par la brutalité de nombreux éléments programmatiques.

Une fois encore, la capacité de synthèse et de séduction d’ E. Macron risque de phagocyter les espoirs d’un candidat qui entend rassembler son camp et au-delà, tout en ne renonçant à rien de son programme.

 

Le F.N. premier parti de France

 

On finirait presque par l’oublier, c’est désormais le F.N. qui structure une grande partie de l’élection présidentielle et des stratégies qui s’y rapportent.

Il est surprenant que la réalité semble toujours échapper à certains responsables politiques, incapables de traduire concrètement les appels au rassemblement.

Comme si, la consécration d’un parti qui, en voix obtenues aux élections cantonales, européennes et régionales, est bien devenu la première formation du pays, n’avait pas changé la donne de l’élection présidentielle.

La quasi-certitude de voir l’héritière du clan Le Pen au second tour,  consacre le  deuxième qualifié comme le vainqueur probable de l’élection (même si une victoire du F.N. n’apparaît plus à ce jour, comme complètement impossible).

Ce paramètre change fondamentalement la stratégie des candidats qui visent la victoire dans l’élection présidentielle, et  l’aventure en solitaire d’un candidat, en rupture avec les partis classiques du paysage politique national, n’est plus un handicap. Le second tour n’impose plus une stratégie subtile et complexe de large rassemblement mais s’apparente à un « front » destiné à faire barrage au parti d’extrême droite.

Là aussi on retrouve l’essence originelle de la présidentielle : la rencontre d’une figure politique  avec le peuple.

 

 

Pour conclure…

 

La présidentielle va se jouer sur un premier tour qui s’accompagnera d’une campagne très courte. C’est d’ailleurs là, une autre conséquence paradoxale et néfaste des primaires : elles rallongent la pré-campagne au détriment de la véritable campagne et donc de la confrontation des projets. Dans ce contexte les dynamiques amorcées en amont du sprint final seront déterminantes. Et dans cette course, le candidat qui apparaît le mieux parti, est bien E. Macron.

Je ne voterai pas pour ce candidat, mais je parie sur lui.

 

 

 

 

Sylvain Estager

18 janvier 2017

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