Carnet n° 300 du 2 juin 2014

 

« Les grenouilles qui demandent un roi »

Les lecteurs de mes carnets connaissent mon goût pour les fables de Monsieur Jean de la Fontaine écrites durant la seconde moitié du 17ème siècle, des fables que l’on peut, pour la plupart, encore utiliser pour illustrer des situations sociétales et politiques d’aujourd’hui.

Les plus fidèles de ces lecteurs savent que j’ai déjà utilisé celle qui ouvre le carnet n° 300, une fable (la 4ème du livre III) dont la portée symbolique en fait ce que l’on appelle « un apologue », c’est-à-dire « un récit à portée didactique ».

Ce que beaucoup sans doute ignorent, c’est que cette fable était née 23 siècles plus tôt sous la plume d’un philosophe grec ESOPE, sous le même titre et à peu près dans les mêmes termes.

« Les grenouilles, fâchées de l’anarchie où elles vivaient, envoyèrent des députés à Zeus pour les prier de leur donner un roi »

Après « un premier essai » envoyé par Zeus d’un « monarque jugé trop nonchalant », Zeus, impatienté, leur envoya une hydre qui les prit et les dévora,

une fin réécrite ainsi par Jean de la Fontaine :

« Le monarque des Dieux leur envoie une grue qui les croque, qui les tue, qui les gobe à son plaisir »

Et Sénèque de conclure :

« Cette fable montre qu’il vaut mieux être commandé par des nonchalants sans méchancetés que par des méchants ».

Nul doute que beaucoup verront en cette fable écrite et réécrite sous l’antiquité, puis sous Louis XIV, des éléments récurrents à la situation politique française d’aujourd’hui.

Les raisons ne manquent pas au lendemain des élections européennes et dans la perspective des élections présidentielle de 2017, en ce moment où l’UMP se transforme en champ de bataille et où la « boussole socialiste » s’affole…

Mais je crois que la situation est aujourd’hui pire que le spectacle que nous donnent ces partis politiques.

La crise est beaucoup plus profonde, 70 ans après le débarquement allié en Normandie que marquera, le 6 juin prochain, l’anniversaire d’une étape majeure dans la reconquête de nos libertés et la défaite du nazisme (et de ses complices), un nazisme et des fascismes que nos Démocraties avaient laissé s’installer pour ne pas prendre le risque de perdre leurs lâches tranquillités (cf les accords de Munich des 29 et 30 septembre 1938).

Tous les ingrédients d’un avenir tout aussi sombre sont là, en ce début de 21ème siècle, depuis la montée des égoïsmes, des égocentrismes, des replis sur soi et des intolérances que l’on rencontre au quotidien dans la vie locale quand le niveau sonore d’une musique est trop élevé, que des cris de sportifs sur un terrain trouble une sieste, voire que des rires d’enfants dans une aire de jeux perturbent les riverains… Et je ne parle pas des voitures des voisins mal stationnées, des braderies qui empêchent durant quelques heures de circuler dans certaines rues, du Grand Stade qui, 25 fois par an, complique le stationnement dans son périmètre… etc…

Car dans ces domaines aussi, il y a le fond et la forme.

S’il est légitime parfois de se plaindre des conséquences pour chacun des envies et des actions des autres, il ne l’est pas d’utiliser pour cela des termes guerriers voire des insultes et des menaces.

Et internet ne fait qu’amplifier le phénomène (suivi parfois d’une presse plus classique en mal de lecteurs).

« Le net est un immense supermarché… On y trouve de tout…, absolument tout. Ce n’est qu’une question de patience et de moyens ».

(Pierre Lemaitre)

Comment donc se sortir de cette spirale infernale dont les résultats récents d’un parti populiste et extrémiste ne sont qu’un des aspects… et peut être pas le plus grave ?

J’avoue aujourd’hui mon angoisse.

Les grenouilles demandent un roi et Jupin (surnom burlesque de Jupiter) leur a envoyé une grue (Jean de la Fontaine).

A l’heure où chacun devrait se rassembler pour sortir notre pays de l’enlisement et notre société de sa crise, où chacun devrait tout faire pour que la vie bouillonne partout quitte à subir ponctuellement quelques gènes, où notre ville, Villeneuve d’Ascq, rayonne de ses réussites voulues et construites par des générations de villeneuvois(e)s, où nous sommes comptables de l’avenir que nous allons rendre à nos enfants,  j’en appelle au bon sens du plus grand nombre et à l’engagement de celles et ceux qui partagent mon analyse.

J’ajoute que face à une société que certain(e)s voudraient continuer à voir « se rabougrir » il est de nouveaux ennemis de nos Démocraties dont la dangerosité n’est plus à démontrer, depuis un certain 11 septembre, mais qui se rapprochent et pour qui « le djhadisme » n’a pas de limite ni de sphère privilégiée. Ce qui s’est passé récemment à Bruxelles, et surtout ce que cela révèle, montre bien que les slogans primaires du type « c’est de la faute à l’Europe » ou « il suffit de remettre des postes de douane aux frontières » ne sont que des leurres!… Le retour à des méthodes du passé est inadapté aux problèmes d’aujourd’hui.

Le 27 mai dernier, nous avons commémoré la Résistance et conjugué le verbe « RESISTER » au présent.

Le 6 juin nous allons fêter le 70ème anniversaire du débarquement en Normandie.

Le 10 juin prochain, à Ouradour sur Glane, ce sera le souvenir douloureux d’un massacre de 642 femmes, enfants et hommes victimes de l’innommable, une affaire de « détails » « pour certains » encore aujourd’hui…

Comment expliquer que tout est dans tout ?

Comment ignorer « l’effet papillon » et le fait qu’une cause considérée comme minime puisse avoir des conséquences considérables ?

Et les faits et les causes évoquées à tous les niveaux en cette année 2014 n’ont rien de minimes … que ce soit dans nos quartiers, villes et continents…

Au demeurant, et pour terminer sur une note plus positive, si des petites causes négatives peuvent avoir des effets négatifs amplifiés, pourquoi des petites causes, des petites actions et des petits faits POSITIFS n’auraient-ils pas, eux et elles aussi, des effets amplifiés positifs ?

C’est Armand Jean de Plessis, cardinal de Richelieu (1585 – 1642) qui l’a écrit :

« Rien n’est plus nécessaire que la prévoyance, puisque par son moyen, on peut aisément prévenir beaucoup de maux qui ne se peuvent guérir qu’avec de grandes difficultés quand ils sont arrivés ».

 

 

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