« Une France sonnée, enfant malade de l’Europe »
On se souvient peut être de « l’ouverture » de mon carnet n° 290 du 24 mars 2014, au lendemain du premier tour des municipales : « comme une sensation de gueule de bois ».
Deux mois plus tard sur le grand ring européen, devant des spectateurs interloqués, « la France est sonnée », le FN continue à cogner tout en sautant de joie, l’UMP est au tapis, le PS est KO debout et l’arbitre qui, dans tout palais des sports, aurait déjà « jeté l’éponge » hésite sur la conduite à tenir en s’apprêtant sans doute à continuer le combat jusqu’à l’extrême…
Oui, « la France est sonnée » et en Europe le premier grand pays géniteur d’une Union qui nous a assuré la Paix depuis 69 ans est regardé comme « un enfant malade », dans un mélange de tendresse et d’angoisse, teinté de colère…
Près de 25% pour le FN, un score qui fleure bon les années 40 du 20ème siècle (si on avait alors encore pu voter sous l’État français du Maréchal Pétain et de Jacques Dorio).
Plus grave peut être, sur les 8 grandes circonscriptions créées en 2003, 6 se sont réveillées brunies par un FN arrivé en tête, la palme revenant au Nord Ouest, la notre, où le FN est à 32,60% (5 élus) et le PS de Gilles Pargneaux à 12,1% (1 élu, lui), + 2 UMP, 1 Verte et 1 Modem-UDI. Hallucinant !
Si on ajoute à cela, un FN à 42,71% à Wattrelos, 26% à Roubaix, 30% à Tourcoing (ces deux dernières villes étant passées à l’UMP il y a deux mois), et même si à Lille avec 18,85 % et à Villeneuve d’Ascq avec 19,04 %, le FN toujours en tête reste sous la barre des 20%, on comprendra aisément qu’il n’est plus question de parler de simple gueule de bois.
Celles et ceux qui me lisent depuis des années, chaque semaine, et dont le nombre de lectures cumulées a dépassé les 550 000 savent qu’il y a bien longtemps que j’ai craint ce scénario et ce, avant même la désignation de François Hollande à la candidature du PS.
J’avoue pourtant que je n’imaginais pas une telle ampleur à ce phénomène dont les qualificatifs se restreignent au fur et à mesure de son aggravation.
Alors, bien sûr, on peut essayer de se rassurer en regardant certains chiffres qui, sans doute, relativisent ceux annoncés hier soir après avoir été « couvés par les médias depuis plusieurs mois… »
Deux sur Villeneuve d’Ascq sont à ce titre significatifs :
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En 2011, un an avant l’élection de François Hollande sur Villeneuve d’Ascq lors des cantonales le FN fait 19,98% au premier tour
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Hier 25 mai, au bureau 116 Mermoz, le FN avec 134 voix atteint les 37%. Deux mois plus tôt, avec 6 voix de plus (140) il « n’était » qu’à 24,50% .
Sans jouer sur les mots ni avec les abstentionnistes il ne faut quand même pas oublier qu’avec une participation de 41,78% c’est moins de 8 villeneuvois sur 100 qui ont mis un bulletin FN dans l’urne.
Je ne dis pas cela pour nous rassurer mais pour qu’on n’oublie pas que le problème de dimanche est sans doute plus complexe et aussi plus grave que « le simple » vote FN.
Quand on voit qu’avec 22 listes, on n’avait que très peu d »assesseurs des candidats (à peine plus de la moitié des 34 bureaux), que certains n’avaient même pas pris la peine de faire imprimer des bulletins de vote, qu’on a eu, faute de bénévoles, bien du mal à ouvrir certains bureaux le matin à 8h00…
Plus que la poussée de l’extrême droite, et même si elle en est à la fois une des causes et un des résultats, c’est le crépuscule de la Démocratie et sans doute sa mort annoncée si rien n’est fait… pour l’en empêcher.
Le scénario des années 30 du 20ème siècle en Europe est là : des populistes extrémistes font une percée à coup de promesses démagogiques. Les systèmes en place leurs font la courte échelle. Ensuite il n’y a plus pour eux une fois aux pouvoirs, qu’à chercher des boucs émissaires pour justifier de leurs décisions innommables et leurs conséquences en terme de dizaines de millions de morts.
Hier soir sur les télévisions, j’ai vu un Manuels Valls volontaire et digne mais semblant menotté, un Juppé et un Fabius conscients, un Coppé en perdition, un Mélanchon au bord des larmes, un Bayrou quasiment statufié.
Alors, je le répète, si le PS n’entame pas sa refondation comme l’avait préparé et réalisé François Mitterrand…, il est mort !
Il suffit de voir en Grèce où en est le PASOK d’Andreas Papandreou (45% en 1984 et aujourd’hui en voie de disparition).
Et si les « partis de gouvernement » et leurs élus au niveau national comme au niveau local ne trouvent pas la voie d’une discussion sur des principes communs, … ils sont morts et avec eux sans doute à terme notre Démocratie.
C’est Confucius qui l’a dit il y a plus de 2500 ans :
« Sans principes communs, ce n’est pas la peine de discuter »
J’ajouterai que, sans discussion ni recherche de principes communs, c’est la mort programmée par la victoire de ceux pour qui seule compte « la raison du plus fort ».
J’aimerais qu’à Villeneuve d’Ascq les élus UMP-UDI le comprennent… enfin.
Faut-il à ce stade en dire davantage ? Sans doute non…
Faut-il essayer de me consoler en reparlant de Villeneuve d’Ascq, de sa vitalité et de ses réussites dont j’aimerais trouver des échos dans notre journal local ? Je n’en ai pas le cœur….
Le gouvernement pourra-t-il continuer longtemps à gouverner avec une telle impopularité ?
Je ne le pense pas !
Ne risque-t-il pas d’entraîner dans sa chute « le camp du progrès », ses élus et ses militants, trop souvent considérés comme de « la chair à canons » ?
Ce n’est malheureusement pas impossible… on l’a vu en mars… et ce n’est pas fini !
Reste la vie et ses petits bonheurs… la nature et ses coquelicots, la poésie, l’amitié et l’amour….
Reste peut être à se poser enfin la question de ce qui est essentiel…
Arrivé à ce stade de ma vie, ce n’est pas d’hier que je me pose toutes ces questions mais j’avoue que depuis hier, à l’instar de la formule de Jean Luc Mélanchon je me pose la question de rester ou non sous cette pluie acide qui précède l’irruption volcanique et cela même si mes valeurs républicaines sont telles que je n’ai pas l’âme d’un déserteur…
Mais quand même…
et de repenser, avant de poser mon stylo, aux dernières images, aux derniers calculs et aux derniers mots de Peter Sellers interprétant le Docteur Folamour à l’heure où la terre se transformait en champ de ruines nucléaires.