Les polémiques sur les hausses de la taxe foncière : une nouvelle attaque contre les communes et le service public …

Cet été, une fois encore, les services d’urgence ont été débordés et pour la première fois, dans plusieurs départements du pays, des SMUR, services chargés des urgences vitales ont dû fermer faute de moyens humains et matériels.

Confrontés à des carences structurelles qui se sont conjuguées aux effets de la canicule, de nombreuses voix au sein de l’Hôpital se sont élevées pour alerter sur une situation catastrophique, sans réussir à vraiment mobiliser l’opinion, les médias ou les politiques sur le sujet.

Cet exemple illustre hélas l’incapacité de notre époque et de la sphère politique à appréhender les enjeux les plus fondamentaux du moment.

De toute évidence, les urgences sociales et climatiques ne sont pas aussi importantes que la question du transfert d’un footballeur ou du « buzz » engendré par l’invitation imbécile ET calculée faite à l’auteur d’une « parole » fangeuse antisémite et homophobe.

         C‘est dans ce contexte qu’une charge multiforme est aujourd’hui lancée contre les communes qui ont pris la décision d’augmenter leur taux d’imposition sur la taxe foncière. Relais gouvernementaux, médias,  experts  » autoproclamés »  nourrissent une vague de contempteurs en tous genres s’employant à dénoncer les Maires « qui auraient cédé à la facilité du recours au levier fiscal » pour équilibrer leur budget, une offensive le plus souvent dénuée de toute analyse politique qui se limite à dénoncer un prétendu matraquage fiscal qui pèserait toujours un peu plus sur les françaises et les français.

Qu’en est-il réellement et quel est l’objet véritable de de ce tir groupé contre les communes ?


         En premier lieu, il convient de rappeler que les communes, à l’inverse de l’État, doivent présenter et voter des budgets en équilibre. Le recours systématique au déficit ,comme le fait l’Etat, ne leur est interdit. Elles doivent faire face à la réalité du terrain et de l’instant sans faire porter  quelque déséquilibre que ce soit sur les générations futures.

         Il faut également rappeler que la participation des communes au redressement des finances publiques – c’est-à-dire  en réalité leur mobilisation imposée pour suppléer l’incapacité de l’État et des gouvernements successifs à équilibrer leurs comptes –  a eu pour conséquences une série de baisses de dotations sous les ères Sarkozy et Hollande, suivies d’un encadrement budgétaire des plus stricts lors du premier mandat du Président Macron sans compter ce qui nous attend sans doute dans une loi de finances 2024 « en embargo » jusqu’après les élections sénatoriales.

Cette séquence a déjà considérablement réduit leurs marges de manœuvre. C’est pourquoi depuis plus de dix ans, la plupart des communes ont été contraintes à une série de mesures d’économies, si ce n’est à des politiques d’austérité pour les plus fragiles d’entre-elles.

         Enfin, n’oublions pas que l’autonomie fiscale des communes a été sévèrement réduite depuis une vingtaine d’années , le produit de la taxe professionnelle ayant  été transféré aux intercommunalités et la taxe d’habitation  complètement supprimée cette année.

Les compensations censées recouvrir les recettes perdues n’intègrent pas la réalité du terrain, l’inflation réelle constatée ou les charges nouvelles qui se sont, dans les faits,  imposées aux communes notamment du fait du désengagement de l’État. 

Nous pouvons prendre en exemple la santé, l’emploi ou  les politiques de prévention et de sécurité à travers le déploiement des polices municipales.

De fait, les communes se sont vu imposer une très forte réduction de leur domaine d’action budgétaire et de leur capacité propre à mobiliser des recettes. Elles ont dû composer avec cette réalité et généraliser la recherche d’économies pour se dégager des marges d’actions. Mais la méthode a ses limites. Pour nombre de communes il n’est plus possible de réaliser quelque économie sans renoncer à dégrader les services rendus à la population.

         Alors effectivement, la taxe foncière est le dernier véritable levier sur lequel les communes peuvent jouer pour augmenter leur recettes.

Après des années de recherche d’économies, dans un contexte de forte inflation, l’équation est simple : réduire les dépenses et donc les services publics qui y sont associés ou assumer la défense de ce dernier comme une priorité et augmenter les taux de fiscalité sur le foncier pour faire face à l’envolée des coûts.

Un tel choix n’est jamais facile.

Les Maires le savent bien et mesurent parfaitement les risques inhérents au choix réalisé , les mécontentements ne manquant pas de s’exprimer souvent attisés par la  démagogie de leurs adversaires .

Le populisme fiscal est devenu une norme et la défense de l’impôt comme vecteur de solidarité et de capacité à agir pour la puissance publique est de plus en plus rare.

C’est pourtant le cœur du débat.

La question n’est pas tant celle de la légitimité d’une collectivité à augmenter ou pas l’imposition dont elle dispose que de celle de la préservation de sa capacité d’action et de réaction face aux enjeux sociétaux qui s’imposent à nous. Il est assurément plus simple d’accompagner les discours dominants sur la nécessité d’alléger une « charge » fiscale et de renoncer, aussi discrètement que petitement, à agir.

Au-delà du débat fiscal, on y verra aussi une question d’éthique et de caractère à l’heure où l’action publique et les investissements sont plus que jamais nécessaires face aux urgences sociales et climatiques.

Le choix de l’inaction procède d’une vision  irresponsable et sinon parfaitement coupable au regard des enjeux .

Une charge fiscale communale en forte diminution

         C’est bien le paradoxe qui structure le débat. Alors que l’échelle communale est l’une des plus efficientes pour agir concrètement  sur le quotidien des habitants et dans le cadre de l’urgence écologique, les moyens dont disposent les communes s’affaiblissent depuis des années, sans doute résultat de le rêve de « beaucoup » de les voir disparaitre… pour de multiples raisons 

La suppression de la taxe d’habitation est une « belle » illustration d’une décision qui se limite à un effet d’annonce démagogique censé donner un coup de pouce aux foyers au moment de sa mise en œuvre. La mesure représente une économie de 18 Milliards pour les 24 millions de foyers qui s’en acquittaient. Cette suppression représente une économie moyenne au niveau national de 720 euros par foyer, à laquelle s’ajoute la fin de la redevance sur l’audiovisuel supprimée en 2022 qui  représentait pour chaque foyer 138 euros à payer tous les ans.

Ainsi, ces trois dernières années, à l’échelle des communes chaque foyer aura vu ses prélèvement fiscaux pour les communes diminuer en moyenne de 850 euros alors que les augmentations de taxe foncière décidées depuis trois ans au niveau national représentent une hausse moyenne comprise entre 50 et 180 euros. (environ 5 milliards de produits cumulés au niveau national).

Au bilan, jamais les foyers français n’auront aussi peu financé directement par l’impôt les communes dans lesquelles ils résident. Si les faits  s’imposent, ils doivent surtout être analysés dans leurs conséquences à terme.                                                                                                                             Qui peut croire sérieusement que cette politique ne devra pas  nécessairement être payée d’une façon ou d’une autre ?

Le désengagement de l’État,  la réduction des moyens dédiés aux services publics,  la réforme des retraites, les suppression de postes dans les services publics, la dégradation continue de l’Hôpital ou l’asséchement des finances des collectivités, sont autant de réalités en lien avec la question fiscale et les choix effectués ces dernières années.

Affaiblir les ressources de la puissance publique revient mécaniquement à réduire sa capacité à intervenir et à faire face aux besoins de notre époque. C’est porter atteinte au principe de solidarité et de vision commune qui structure notre pacte républicain en faisant le choix d’un projet étriqué de société qui renforce les logiques individuelles et le chacun pour soi.

A Villeneuve d’Ascq, le refus de l’inaction par un choix fiscal totalement assumé 

         A Villeneuve d’Ascq la majorité municipale a toujours été claire sur la question fiscale. Le recours a l’impôt doit être limité par une gestion rigoureuse des fonds publics et une recherche constante d’optimisation des ressources, en ajustant au mieux les dépenses sur les recettes, et non l’inverse.

C’est ce qui explique que les taux communaux d’imposition n’ont pas connu la moindre hausse depuis plus de 15 années.

Pour autant, ce principe de gestion est subordonné à la défense d’un haut niveau de services publics et à préservation d’une capacité d’action volontariste dans le respect des engagements pris auprès de la population.

Les services rendus, les politiques de solidarité, la mobilisation face aux urgences écologiques ne sauraient être des variables d’ajustement pour équilibrer les budgets et il importe de préserver la capacité de la collectivité à produire des politiques publiques pour répondre aux impératifs du moment, en particulier sur les questions sociales et écologiques.

C‘est pourquoi la décision a été prise lors du vote du Budget Primitif 2023 d’augmenter les taux communaux d’imposition de 6,3 %, ce qui, conjugué à la revalorisation légale des bases décidée par l’État, représente au final une augmentation de la taxe foncière de 13,4 %. 

En conséquence, sur la commune, les propriétaires connaîtront une hausse moyenne de l’ordre de 100 euros.

Cette augmentation de la fiscalité permettra de compenser à hauteur de 4 millions d’euros une hausse des dépenses, à périmètre constant de politiques déployées, estimée à plus de 6 Millions d’euros, pour l’essentiel du fait de l’inflation.

La collectivité ne sera donc pas dispensée de poursuivre ses efforts en matière de  recherche d’économies et la période demeure très compliquée pour équilibrer les budgets dédiés aux différentes politiques mises en œuvre.

Mais le plus important réside bien dans la préservation d’une capacité à agir et à porter des politiques volontaristes.

Le renforcement des politiques de solidarité est une réalité.

La mobilisation et les investissements réalisés dans le cadre de l’urgence écologique se déploient et portent leurs fruits sur l’ensemble du territoire.

Cet  été, par exemple, ce sont à nouveau plus de 3100 enfants qui ont pu s’inscrire dans nos centres de vacances, centres d’accueils de loisirs et centres sportifs, avec une tarification sociale accessible à toutes et tous.

La préservation et le renforcements des services à la population est d’autant plus indispensable que les besoin en la matières explosent.

C’est pourquoi la majorité municipale assume pleinement le choix qui a été le sien, conformément aux engagements pris et à l’esprit qui les accompagnent.

Discréditer les communes pour mieux les effacer ?

         L’exemple de Villeneuve d’Ascq est sans doute reproductible dans d’autres communes du pays qui ont fait le choix d’augmenter leur taux d’imposition.

Ces communes sont devenues la cible de discours stigmatisants et souvent caricaturaux.

A ce stade on rappellera que l’augmentation de la taxe foncière représente un volume cumulé de l’ordre de 5 Milliards au niveau national. A titre de comparaison, la TVA rapportera cette année 15 Milliards de plus à l’État, par le seul mécanisme de la hausse des prix. Elle pèse sur  les dépenses du quotidien sans prise en compte des revenus de celles et ceux qui s’en acquittent.

Il convient donc de bien remettre en perspective le débat.

Ainsi, force est de constater que l’orchestration d’une polémique sur la taxe foncière participe d’un jeu de dupes dont la finalité est sans doute de faire peser le discrédit sur la sphère communale.

Après avoir lourdement amputé l’autonomie fiscale des communes, accompagné la montée en puissance des intercommunalités et leur prise croissance de compétence , l’heure est désormais à la culpabilisation des communes qui ne renoncent pas et s’efforcent de répondre à la réalité du terrain.

Cette séquence s’inscrit dans une dynamique longue qui attaque l’échelle communale. On peut s’autoriser à penser que la polémique biaisée sur la taxe foncière portera la justification d’une baisse des dotations à venir, si ce n’est d’une réforme territoriale d’ampleur qui visera à réduire, une nouvelle fois, de façon conséquente le champ d’action des communes au profit des intercommunalités. Nous le saurons sans doute prochainement.

Il est urgent de remettre les vrais sujets au cœur du débat

         Au final, on se souvient des hommages appuyés rendus « par les princes qui nous gouvernent » aux soignants au lendemain du premier confinement. 

La chose était acquise : on ne laisserait plus ces professions et les services publics associés dans une situation catastrophique.

De la même façon les élus locaux qui avaient avait , pour beaucoup d’entre eux,  parfaitement joué leur rôle dans les solidarités les plus fondamentales du quotidien devaient se voir pleinement reconnues et confortées.

Le « Kairos », « bon moment à l’instant T » , cher au Président Macron, allait, nous disait on, redonner son sens premier à la politique tandis que l’intérêt général et la responsabilité par rapport à l’avenir reprendre toute leurs places au cœur de notre société.

Porté sur les fonts baptismaux par une crise sanitaire inédite et douloureuse , le « Monde d’après » allait prendre ainsi de la hauteur tandis qu’à l’Elysée on aurait renoncé à la démagogie et au populisme pour s’emparer des réalités premières qui forgent les solidarités  du quotidien.

         Malheureusement, nous  le rappelions en propos introductif, cet été, des SMUR se sont retrouvés à l’arrêt, les conséquences du réchauffement climatiques ont une nouvelle fois démontré la gravité de la situation, le nombre de familles et d’enfants qui n’ont pu partir en vacances a explosé, beaucoup d’étudiants ne peuvent plus manger à leur faim tandis que  les associations qui œuvrent dans le domaine de l’aide alimentaire se retrouvaient  dans une situation catastrophique… voire dramatique

Certes, pour certains, l’important aujourd’hui c’est que Médine ait été chaleureusement applaudi tandis que pour d’autres que M’Bappé reste au PSG.

Franchement, l’essentiel est-il bien là ? 

Nous sommes clairement de ceux qui disent NON !

Il n’y a plus de temps à perdre pour « changer la vie » en « vivant autrement pour vivre mieux »… sinon tout simplement pour vivre…

Gérard Caudron, Maire de Villeneuve d’Ascq

Sylvain Estager, chargé des finances et Vice Président de Rassemblement Citoyen

15 septembre 2023

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