TOUT DOIT CHANGER DEMAIN !

1er mai 2020

Manifeste de Rassemblement Citoyen

pour tirer les leçons de la crise

Dans son essai « Conjurer la peur » consacré à la Ville de Sienne au XIVème siècle, l’historien Patrick Boucheron étudie la force politique des fresques qui ornent le palais communal, en particulier celles bien connues illustrant « le bon gouvernement ».

Il rappelle la modernité de la pensée qui accompagne cette Italie du Quattrocento et souligne que « Ce qui fait le bon gouvernement n’est pas la sagesse des principes qui l’inspirent ou la vertu des hommes qui l’exercent, mais ses effets concrets, visibles et tangibles sur la vie de chacun ».

Aujourd’hui encore, et d’autant plus face à la terrible crise sanitaire et sociale que nous traversons, ce que nous attendons d’un « bon gouvernement », c’est toujours qu’il agisse efficacement au service des citoyen(ne)s.

L’action doit être concentrée sur l’impératif de santé et de solidarité dans une dynamique collective où chacun(e) respecte les règles fixées par les autorités sanitaires et politiques.

C’est pourquoi, dans un esprit républicain et responsable, à Rassemblement Citoyen, nous appliquons au mieux et dans la mesure du possible, les consignes et les directives qui émanent du gouvernement.

Si nous reconnaissons la difficulté pour nos dirigeants à gérer une crise sans précédent, et qu’aucun pays n’avait d’ailleurs anticipée, force est de constater que depuis le début de la crise les responsables au sommet de l’Etat ont accumulé les approximations et les revirements, de la question de l’utilité des masques et des tests au début de la crise  à la prochaine réouverture des écoles que nous estimons précipitée, en passant par le maintien, le 15 mars, du premier tour des élections municipales, les exemples sont nombreux de cafouillages, de consignes contradictoires et d’erreurs conséquentes commises par notre gouvernement.  

Ne nous cachons pas cette réalité qui, aujourd’hui, explique largement le manque de confiance exprimée par nos concitoyen(ne)s envers ce gouvernement.

Notre propos ne vise pas ici à lancer quelque polémique sur le sujet.

Le temps de l’évaluation des politiques et des actions menées, des erreurs commises et des responsabilités associées, viendra une fois l’épidémie surmontée. Ce propos soulève la question de la légitimité à incarner « le bon gouvernement » et à agir efficacement et ce, pour préparer un autre avenir.

Aujourd’hui, le chef de l’Etat et son gouvernement demandent officiellement aux élus locaux de mettre en œuvre les conditions d’un déconfinement progressif et de gérer l’épidémie au plus prés du terrain.

Confrontées, de fait, à la crise sanitaire dès son début, la plupart des collectivités et de leurs responsables n’ont pas attendu cette consigne pour se mobiliser. Ils ont dû faire face à l’urgence sanitaire quasiment seuls, avec des moyens plus que limités, en appliquant des directives confuses.

A l’échelle d’une ville comme Villeneuve d’Ascq, notre action depuis le début de la crise a été orientée en priorité sur la protection et l’aide aux plus fragiles. Une action sanitaire et sociale forte et déterminée pour permettre aux aînés, aux personnes isolées, fragiles ou en situation de handicap, aux familles les plus modestes de bénéficier du soutien de la collectivité dans un esprit de solidarité et de fraternité qui, ne l’oublions pas, sont les piliers de notre Pacte Républicain et de notre modèle social.

Dans toutes ces actions, un grand nombre d’agents municipaux, quelles que soient leurs fonctions ou grades, ont fait preuve d’un dévouement et d’une détermination tout à fait remarquable.

Dans le même temps, un vaste mouvement de solidarité s’est déployé sur l’ensemble de la ville à travers de nombreuses initiatives citoyennes ou associatives, dans des domaines très différents mais avec un seul et même objectif : prendre soin des autres, aider les plus fragiles et agir concrètement dans un esprit de solidarité.

Cette mobilisation participe pleinement au « bon gouvernement » de la cité et rappelle l’importance d’avoir des agents municipaux au service de la population mais aussi de connaître, d’accompagner et de faire vivre les réseaux d’entraide, le monde associatif ou tout simplement la participation citoyenne.

Une nouvelle fois, nous tenons à saluer ces élans de solidarité et de responsabilité qui permettent, aujourd’hui encore, d’amortir une crise mortifère et ses effets dramatiques.

Partant de ce constat, osons espérer qu’une fois la crise surmontée nous serons en mesure de nous interroger collectivement sur le sens de notre modèle politique et sociétal, ainsi que sur les dérives qui l’ont affecté.

Si aujourd’hui nous évoquons les errements de nos dirigeants dans la crise, ce n’est pas pour stigmatiser tel ou tel responsable mais pour souligner qu’il ne s’agit en réalité que de la conséquence, malheureusement logique, d’une idéologie dominante qui s’est imposée dans la société française et dans la plupart de nos politiques publiques.

Cette idéologie a visé à réduire les services publics, à affaiblir les collectivités locales en asséchant leurs finances et à consacrer la loi du marché comme modèle unique de pensée.

Elle  a conduit, de fait, à un affaiblissement de l’Etat, de la puissance publique et de ses services. Elle se pose en opposition à notre pacte Républicain.

En effet, des leviers d’émancipation et de progrès social,  indispensables au bon fonctionnement de notre République ont été affaiblis et l’ont conduit au bord de l’asphyxie.

L’hôpital public qui dénonce sa situation depuis des années en est hélas l’illustration la plus dramatique.

En réalité, la crise sanitaire que nous traversons agit, non pas comme un déclencheur, mais comme un révélateur des effets dévastateurs des politiques menées par des gouvernements successifs, au nom d’un libéralisme débridé qui s’impose sous couvert des grands principes de réduction de la dépense publique.

Véritable populisme fardé d’une expertise néolibérale, le dogme de la baisse d’impôt conjugué à celui de la diminution des dépenses publiques ou du nombre de fonctionnaires dans tous les domaines a conduit à la situation que nous connaissons dans les hôpitaux, dans nos administrations régaliennes, dans nos écoles, dans beaucoup de quartiers et de territoires oubliés et maltraités par la République.

Politiquement, l’aboutissement de ce processus a été l’apparition d’un « Nouveau monde » autoproclamé, et incarné, avec un vrai talent médiatique,  par le Président Macron.  Il a revendiqué et réussi à pulvériser les cadres politiques et syndicaux traditionnels, ceux-là même qui furent les maîtres d’ouvrage et maîtres d’œuvre de notre modèle de République Sociale.

N’oublions pas que ce modèle de République Sociale a été construit par « l’Ancien Monde » autour d’un Pacte Républicain renouvelé au sortir des grandes crises que notre pays a traversées. Du Front populaire, porté par l’espoir d’un peuple aspirant à sortir enfin de la crise de 1929, aux travaux du Conseil National de la  Résistance (CNR) préparant la libération du pays, sans oublier les combats sociaux menés à la fin des « 30 Glorieuses » et qui conduiront à la victoire de F. Mitterrand, notre modèle social s’est construit par étape, dans des contextes difficiles et par l’union des forces de progrès.

Enfants gâtés de ce qu’on appelait autrefois l’« Etat providence », nombreux sont celles et ceux qui ont oublié l’importance de ces valeurs et des politiques qui y sont associées. La puissance économique, financière et médiatique du néolibéralisme a permis la naissance d’une incarnation nouvelle de ses porteurs, à travers notamment la figure d’Emmanuel Macron.

C’est ainsi que , la « Macronie » est apparue.

Elle s’est construite en un temps remarquablement rapide, à grand renfort de ralliements et de trahisons envers les familles politiques dans lesquelles ses protagonistes avaient été formés.

Ce que démontrent aujourd’hui les errements du gouvernement dans la crise que nous traversons c’est bien la fragilité et l’amateurisme de certains de ces responsables politiques dont les faiblesses sont mises à jour dans l’épreuve et qui en appellent désormais à l’expérience des élus locaux, représentants d’un « Ancien Monde » qu’ils stigmatisaient encore il ya peu…

En définitive c’est bien sur ce « bon gouvernement »  et sa capacité à l’incarner que nous devons nous interroger.

Comme l’ont fait au sortir de la Guerre ceux qui, du Parti Communiste aux Gaullistes, ont su définir ensemble les valeurs qui devaient présider à la reconstruction du pays, ils ont su donner naissance à une République Sociale, défendue par un Etat déterminé, capable d’intervenir  dans l’intérêt général et au service  de l’ensemble de nos compatriotes.

Le Camp du Progrès doit maintenant très vite, dans cet esprit, se rassembler, taire ses divisions stériles et agir enfin efficacement pour permettre, après la crise, de repenser et de réorienter nos politiques publiques et notre modèle de société.

Il ne peut plus se permettre de jouer les  serviteurs du libéralisme et de l’individualisme triomphant en continuant de s’affaiblir à force de divisions qui s’ébrouent dans une impasse.

A la célébration des « premiers de cordée » et du « ruissellement » doit se substituer la défense des valeurs pleinement républicaines de solidarité et de vivre ensemble qui placent l’humain  au cœur de l’action publique et du « bon gouvernement ».

« A la saison Macron » et à son soi-disant « Nouveau Monde » doit succéder un temps long, de solidarité, d’attention aux autres qui réinvente notre société, dans le respect des valeurs républicaines les plus essentielles, l’égalité, la fraternité et la laïcité qui sont indispensables pour renforcer des libertés et un mode de vie bien trop fragiles dès lors qu’ils sont confrontés aux épreuves telles que nous les traversons en ce moment.

En définitive, cette crise doit nous « bousculer » et accélérer la prise de conscience que « le monde d’après » pourrait bien ressembler à celui d’aujourd’hui si nous ne relevons pas les grands défis de la solidarité comme celui des questions environnementales.

C’est pourquoi, dès que la crise sera surmontée, il conviendra pour toutes celles et ceux qui se revendiquent du « Camp du Progrès » de construire une alternative crédible pour affronter une globalisation et un capitalisme sans avenir.  Une fédération des mouvements politiques, citoyens, syndicaux qui rassemble l’ensemble de ces forces de progrès doit se constituer pour promouvoir une Démocratie Sociale et Écologique à même d’affronter les grands enjeux d’aujourd’hui et de demain.

Au-delà de la terrible épidémie que nous subissons, des difficultés et des drames qu’elle induit, il est impératif de comprendre que cette crise doit nous conduire à nous réinventer afin de nous préparer de la façon la plus juste et la mieux adaptée possible aux défis qui désormais s’imposent à nous, avec, s’il le faut, une brutalité, (osons ce terme), qui peut aussi être porteuse d’espoir pour réveiller les consciences afin de « changer la vie ».

Pour Rassemblement Citoyen,

en ce 1er mai 2020,

Son Président

G. Caudron

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