Carnet n° 514 du 6 Août 2018

« Ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain »

 

Tout le monde connait cette expression largement utilisée au 20éme siècle dont on nous dit qu’elle a été redécouverte au 19éme par les anglais dans un texte allemand datant de 1512.

Elle signifie dans le langage d’aujourd’hui :

« Perdre l’essentiel en se débarrassant d’une chose importante dans le but d’éliminer avec elle les soucis, inconvénients et ennuis qu’elle implique ».

Dans nos sociétés, dans la vie, dans la vie publique et dans la vie politique, « elle règne aujourd’hui en maître »  au nom d’une soi-disant efficacité, de la rapidité et de l’accélération médiatique.

On connait le débat sur la Constitution Française, cinquième du nom, sur sa et ses réformes, voire sur son changement complet pour « une 6éme République »….

Entre celui qui veut sans doute une hyper-présidentialisation, à la mode (toutes proportions gardées) de M. Erdogan ou de M. Poutine et ceux qui rêvent de retrouver « les délices »de la 4éme République avec ses 24 gouvernements en 11 ans (de 1947 à 1958), je suis de ceux qui pensent qu’il ne faut pas (en la matière non plus) « jeter le bébé avec l’eau du bain ».

Certes, cette Constitution au départ voulue et conçue par le Général de Gaulle il y a 60 ans a des défauts réels en termes d’équilibres des pouvoirs et en raison de « modifications de circonstances » qui lui ont été apportées durant ces six décennies, mais elle reste un outil efficace que les Présidents successifs ont d’ailleurs gardé même après l’avoir combattu.

Il suffit pour cela, afin d’éviter le choix entre une gouvernance autoritaire et une pagaille réinstaurée, de retrouver « la lettre » de ce texte fondamental et de l’appliquer avec :

  • un Président qui préside la destinée du pays
  • un Gouvernement qui gouverne le quotidien
  • un Parlement qui vote les lois et qui contrôle l’exécutif
  • des Collectivités territoriales qui s’administrent librement au plus près des citoyens,

le tout avec une réelle séparation des pouvoirs, une indépendance de la Justice et des structures associées comme pour l’environnement qui permettent de mieux associer « la société civile » à la conduite de l’Etat.

On est donc très loin de ce à quoi rêve sans doute M. Mélenchon et surtout de ce que prépare le Président Macron, avec un Gouvernement inexistant, un Parlement n’ayant plus les moyens de jouer son rôle, des structures et des pouvoirs associés muselés et donc, bien sûr, un Président omniprésent « sûr de lui et dominateur » (selon une expression de Charles de Gaulle).

On y serait déjà si « l’affaire Bénalla » (qui n’est pas finie) n’avait pas donné un sérieux coup de frein à l’euphorie présidentielle.

Mais on en a déjà vu des exemples depuis un an

avec le droit du travail, quand au nom de la nécessité de moderniser et d’assouplir un droit parfois empoussiéré, on a cassé tout ce qui gênait le patronat et les forces politiques les plus réactionnaires,

avec aussi la réforme de la SNCF

qui s’inscrit dans « la casse », généralisée par ailleurs, des services publics,

avec l’attaque frontale contre le modèle social Français « qui coûte (dixit M. Macron) un pognon dingue »,

avec l’asséchement des moyens du secteur public santé au profit du privé etc… etc…

Et ce n’est pas fini si on en croit les annonces présidentielles pour la rentrée prochaine et que M. Macron va peaufiner au Fort de Brégançon.

Si on ajoute à cela la guerre menée contre les collectivités territoriales et les communes « menottées » par des règles imposées, des contrats sibyllins, des normes et des politiques décidées par l’Etat et une diminution de toute autonomie financière quand les ressources propres disparaissent au profit de dotations qui elles mêmes diminuent et que le pouvoir conditionne (même quand au départ elles compensaient des recettes communales réelles supprimées par l’Etat).

Dernier exemple : une soi-disant contractualisation où la seule certitude est de respecter les 1,2% de hausse des dépenses (1,1% pour Villeneuve d’Ascq), inflation comprise (qui risque d’atteindre les 2% en 2018) et ce, malgré des dépenses nouvelles imposées par l’Etat dans le domaine scolaire, voire dans celui de la sécurité du fait de son désengagement ainsi que dans beaucoup d’autres domaines.

C’est la technique du « grattage » chère à M. Macron pour augmenter ses recettes sur les citoyens et transférer ses dépenses sur les collectivités.

C’est habile et on sent l’expérience très bien acquise par l’ex-Ministre de M. Hollande, mais c’est destructeur et largement contraire « à la lettre » de la 5éme République.

Les résultats malheureusement en sont là : l’économie ne va pas mieux, l’inflation repart à la hausse tout comme le chômage, l’injustice sociale et les inégalités explosent et les sondages d’opinion s’aggravent pour le pouvoir en place qui, nous dit-on, « touche le fond », sauf qu’en politique, quand on descend, il n’y a pas de fond et le Président va s’en rendre compte même à l’intérieur de son « bunker élyséen » entouré d’hommes et de femmes de l’acabit de ceux qui ont déclenché le scandale indécent du 1er mai et de ses suites…

On nous dit que beaucoup de maires désespèrent… je le comprends mais ce n’est pas mon cas car si l’objectif de ceux qui provoquent ce désespoir par les mesures qu’ils prennent est de faire disparaître la vie communale en décourageant les élus, ça ne marche pas avec moi qui répète comme Albert Camus : « je me révolte donc je suis ». Et je pense qu’en fin de compte, je ne serai pas le seul à avoir suffisamment d’expérience et de liberté pour me battre contre, ce qui pour moi, est insupportable.

Je m’en suis fait la réflexion tout au long de mes visites de Centres de vacances villeneuvois où j’ai pu mesurer les conditions à remplir par nos communes pour éviter l’explosion de nos sociétés : des moyens, des équipes, une continuité dans la durée et surtout une volonté de travailler en profondeur avec et au nom de nos valeurs de Liberté, d’Egalité, de Fraternité et de Laïcité.

Je m’en suis fais aussi la réflexion en ces temps de canicule où « l’urgence écologique » éclate au visage de tous, ce qui devrait mobiliser « les princes qui dirigent le monde » qu’ils soient économiques ou politiques, mobiliser une Europe qui aura étouffé en cet été et faire de ce point le point numéro 1 des élections européennes de 2019.

Je m’en suis fait la réflexion chaque fois que j’ai traversé des villes et des villages de la « France profonde » en voie de désertification et sans services publics pour attirer ou faire revenir des populations qui, de ce fait, s’agglutinent dans des Villes qui étouffent, ce qui impose des infrastructures aux coûts incommensurables.

On parle aujourd’hui de verdir ces Villes. Oui, sans doute et c’est ce que j’ai contribué à faire à Villeneuve d’Ascq en refusant dès la fin des années 70 l’objectif des 120 000 habitants pour conserver des espaces verts, de la nature et des terres agricoles en son sein.

Je m’arrête là en ce 6 août 2018 …

 330 ans et 2 jours après  l’abolition des privilèges et des droits féodaux « à l’unanimité de l’assemblée des représentants des peuples de France, 20 jours après la prise de la Bastille,

en pleine canicule aux perspectives mortifères dans 20 ou 30 ans,

dans une France déçue mais avec des Français(es) en attente d’une alternative politique crédible qu’ils ne trouvent ni chez M. Wauquiez ni chez les insoumis et heureusement encore ni chez les Le Pen…, mais heureusement encore avec des forces Républicaines en son sein qui n’ont pas renoncé, et j’en fais partie quelque que soit la place que j’aurai encore dans l’avenir, n’étant pas de ceux qui « jettent l’éponge ».

Comme l’a dit Jean Jaurès :

« Le courage c’est d’aller à l’idéal et de comprendre le réel »

Personne ne peut en douter : ce courage, je l’ai encore !

G Caudron

Dans un sarcophage mérovingien.. mais toujours debout

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