Le journal d'une mauvaise herbe, 101 carnets au fil du temps
… pour quelques coquelicots de plus

Carnet n°93 du 22 juin 2010
Vous avez dit : esprit d'équipe ?


« La France est en colère », « la France est la risée du monde », « la France a honte », des titres vengeurs, dérisoires ou désespérés fleurissent chaque jour dans la presse après les prestations de son « équipe nationale de football » en Afrique du Sud.

Sans sombrer dans l'auto-flagellation collective, il faut bien dire que rien ne nous aura été épargné : une sélection douteuse, un tour préliminaire désastreux et pour couronner le tout, des injures, des insultes, des insanités dignes de nos pires quartiers.

De toute ma vie, dans ce domaine, je n'avais jamais rien connu de pareil ! On peut ne pas être sélectionné, on peut perdre un ou des matchs, mais on n'a pas le droit de ternir l'image et de mettre en cause l'honneur de son pays.
Si on veut éviter « la question qui tue » : « la France est-elle à l'image de son équipe nationale de football ou son équipe nationale de football est-elle à l'image de la France ? », il faut s'en poser une autre,  plus « soft », en même temps plus générale, généralisable et donc plus grave : « qu'est-ce qu'une équipe ? »

Des éléments compétents voire brillants, des liens entre eux tissés par un chef d'équipe ou chef d'orchestre autour de valeurs, d'idées et de projets. Notre équipe de football avait sans doute des joueurs « de talents », mais c'est tout.
Et ce qui est grave, un peu partout, et en particulier en France, c'est qu'on retrouve cette absence d'équipe, d'esprit d'équipe, de chef d'équipe autour de valeurs, d'idées et de projets, qui, avec le temps, se sont estompés puis effacés.

C'est là sans doute qu'il faut chercher les raisons premières de notre échec à faire face à une crise économique, sociale et morale.
Comment, en effet, quand les moyens diminuent et les besoins augmentent combler les fossés qui se creusent sans équipe, ni esprit d'équipe et donc sans éducation.

Albert Jacquard l'a très bien dit :
« L'objectif de toute éducation devrait être de projeter chacun dans l'aventure d'une vie à découvrir, à orienter, à construire ».

Je l'avoue, en ces temps difficiles où les riches sont toujours plus riches et où les pauvres sont encore plus pauvres et plus désespérés, je me sens parfois alerté par cet avertissement de Simone de Beauvoir : « Il est peu de vertu plus digne que la résignation, elle transforme en fantasmes, rêveries contingentes, des projets qui s'étaient d'abord constitués comme volonté et comme liberté ».

Je m'accroche alors à cet extrait de discours de François Mitterrand lors de son investiture à l'Élysée le 21 mai 1988 : « Sur le chantier de ces valeurs toujours neuves, pour ces combats de chaque jour qui se nomment liberté, égalité, fraternité, aucun volontaire n'est de trop... »,en attendant toujours de nouveaux volontaires pour ces combats républicains qui, seuls, nous éviteront la catastrophe suprême.

On comprendra une certaine lassitude au seuil d'un été qui peine à venir. Alors, bien sûr, notre ville est active avec toutes ses fêtes autour de la musique et de la Saint Jean, ses tournois sportifs et ses toujours tendres fêtes d'écoles, sans oublier ce lundi matin, à la Rose des Vents, près de 400 enfants venus chanter pour notre plus grand bonheur depuis leurs écoles de la Résidence et de la Poste.

C'est tout cela qui me fait tenir au même titre que l'obligation que j'ai d'animer nos équipes municipales et de faire en sorte que chacun agisse d'abord pour le plus grand bien de tous et non pour son bien propre. On n'imaginerait pas que je puisse me donner le droit de donner des leçons aux autres sans être capable de me les donner à moi-même.

C'est cela aimer la vie.
J'aime la toucher, la caresser, la humer avec ses fleurs, ses odeurs, ses bruits, ses cris, ses chants d'oiseaux et ses rires d'enfants...
Tout mon engagement aujourd'hui tient en ces mots.

Et je suis là très loin des grossièretés d'Anelka, de la caricature de Ribéry, mais aussi des élections en Pologne...
Je suis près de notre 44ème militaire tué en Afghanistan, des militants de la Paix israéliens et palestiniens au Moyen-Orient, des résistants en Iran.

Si « le véritable esprit de révolte (pour certains) consiste à exiger le bonheur ici dans la vie », je préfère pour ce qui me concerne terminer ce 93ème carnet avec Emile Littré :

« Celui qui veut faire un emploi sérieux de la vie doit toujours agir comme s'il avait à vivre longuement et se régler comme s'il lui fallait mourir prochainement ».

Avec une « petite dernière », pour éviter de se prendre trop au sérieux, d'Anatole France :
« Sans l'ironie, le monde serait comme une forêt sans oiseaux ».







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