Le journal d'une mauvaise herbe, 101 carnets au fil du temps
… pour quelques coquelicots de plus

Carnet n°73 du 13 avril 2010
La mort transforme la vie en destin.


« La tragédie de la mort est en ceci qu'elle transforme la vie en destin ».

Ce bel écrit plein de force et de sens est d'André Malraux, un grand parmi les grands... Il dit à propos de la vie, en quelques mots, ce qu'aujourd'hui nous sommes nombreux à penser du destin tragique de la Pologne si souvent envahie, déchirée, martyrisée mais toujours redressée.

La mort, ce samedi 10 avril 2010, d'une partie importante de l'élite polonaise venue en avion se recueillir à Katyn en mémoire des 22 000 polonais massacrés au printemps 1940, a transformé leurs vies en destins. La reconnaissance officielle des crimes staliniens avait, en quelque sorte, redonné vie à ces massacrés anonymes longtemps attribués aux Nazis et qui avaient disparu dans une forêt russe près de Smolensk à quelque distance de l'endroit où, soixante dix ans après, devaient périr le Président Polonais et tous les représentants de la nation polonaise d'aujourd'hui.

Et on m'autorisera, à cette occasion, à rappeler la disparition « opportune » le 4 juillet 1943 du Général Sikorski dans un accident d'avion à Gibraltar qui, avec lui, fit disparaître un gouvernement polonais en exil peu complaisant avec l'URSS.

Je ne saurais enfin oublier le dépeçage de la Pologne par Hitler et Staline, sous le regard gêné des Français et des Anglais, la destruction mortelle du Ghetto de Varsovie, les millions de juifs polonais éliminés, la ville de Varsovie rasée par les Nazis sous les yeux des Soviétiques, heureux sans doute de voir ainsi réduit un nationalisme polonais qui aurait résisté à leur main mise.

La Pologne n'est pas la seule à avoir connu ces horreurs durant la deuxième guerre mondiale. Il suffit pour s'en convaincre de visionner « Apocalypse » ou de revoir « De Nuremberg à Nuremberg ». Le peuple soviétique y a laissé près de 20% des siens dans une épopée qui a permis sans doute aux alliés de l'ouest de nous libérer plus vite.

Et, plus loin, gardons en tête le sang versé dans les îles du Pacifique, les massacres en Chine, en Corée et ailleurs, sans oublier, quelles que soient les responsabilités et crimes japonais, l'horreur à Hiroshima et à Nagasaki...

« La tragédie de la mort... »

Il nous appartient à nous, générations suivantes, de contribuer à faire de ces vies volées des destins reconnus dans l'histoire de l'humanité.

C'est ce que j'essaie modestement de faire dans mes discours commémoratifs, celui du Massacre d'Ascq le 28 mars dernier, celui des déportés bientôt le 25 avril avant celui du 8 mai qui marquera, 65 ans après, la fin de ce conflit mondial qui ne sait pas quitter l'actualité et qui ne donne que plus d'honneur et de mérites aux pères fondateurs de l'Europe, des pères qui mériteraient mieux que les dirigeants de l'Europe actuel, des dirigeants qui ont oublié nos « fondamentaux » pour le prix du commerce, de la technocratie et de la finance.

Redonner un destin à ces vies volées, c'est ce que j'ai fait, le samedi 10 avril à 16 h, lors d'une cérémonie d'hommage émouvante au Château de Flers.
C'est ce que j'ai fait dimanche devant plus de 400 aînés invités à l'espace Concorde pour un de nos quatre banquets organisés à leur intention.
C'est ce que j'ai expliqué durant le week-end à tous les citoyens rencontrés un peu partout de la braderie de la Cousinerie aux terrains de sports.
C'est ce à quoi j'ai pensé, hier lundi 12 avril, en regardant à la télévision les Israéliens se souvenir de la Shoa et des six millions d'hommes, femmes et enfants exécutés par balles, pendus, étranglés, gazés, brûlés...
« De Nuremberg à Nuremberg »... la leçon...

Une leçon à ne jamais oublier quand on entend ici et là des discours incendiaires d'apprentis dictateurs « Le pire n'est jamais loin ». Car comme l'a écrit Jean SIMARD : « Le destin, pour frapper, revêt souvent son déguisement le plus ordinaire, son costume de tous les jours ».

J'en resterai là pour aujourd'hui, tout autre sujet abordé ne pouvant qu'apparaître comme déplacé au regard de ces drames rappelés. Il faut savoir laisser parfois un temps de silence à l'Histoire.
Je terminerai simplement avec Romain Rolland :
« Nous ne choisissons point. Notre destin choisit. Et la sagesse est de nous en montrer dignes de son choix, quel qu'il soit ».







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