Le journal d'une mauvaise herbe, 101 carnets au fil du temps
… pour quelques coquelicots de plus

Carnet n° 55 du 09 février 2010
L'expérience de chacun est le trésor de tous.


« Nos actes ne sont éphémères qu'en apparence. Leurs répercussions se prolongent parfois pendant des siècles. La vie du présent tisse celle de l'avenir. »

Je dédie, en ce jour, cette pensée de Gustave Le Bon à mon vieux camarade d'école communale laonnoise Bernard Langlois, qui vient de prendre congé du journal POLITIS, qu'il avait créé avec quelques amis en 1988 faute, dit-il, d'avoir encore la foi en la capacité des « hommes de progrès » de « changer la vie » ou de rendre « un autre monde possible ».

J'ai personnellement connu le doute, il y a près de 10 ans. J'ai retrouvé ensuite, heureusement, la force de me battre au nom de la vie.
Saurais-je encore le faire aujourd'hui ? Je ne le sais pas, mais ce que je sais, c'est que, malgré les doutes, les incertitudes, les difficultés, les déceptions, les regrets... je ne « descendrai plus jamais volontairement du train »
Et je pense aussi, en cet instant, à une autre amie, Marie-Thérèse Mutin, et au titre de son dernier livre : « J'ai plié le genou sans jamais courber l'âme » (Editions de l'Armançon).

Alors oui, « nos actes ne sont éphémères qu'en apparence », ce qui me fait revisiter le temps où les élus de Flers, d'Annappes, et d'Ascq ont décidé de fusionner leurs trois communes pour créer Villeneuve d'Ascq.

Ce fut un traumatisme pour certains, une belle vision pour d'autres, des ambitions personnelles plus ou moins masquées ici et là, des manœuvres politiciennes pour quelques-uns, une démarche courageuse pour beaucoup. La transparence vis-à-vis des citoyens n'a certes pas été au rendez-vous. Des élus ont été bafoués, dont le maire d'Annappes.
Beaucoup, depuis, ont disparu, d'autres ont réussi à rester et restent encore, dont Denis Blanchatte.

Le nom d'Ascq a été heureusement sauvé mais, pour ce qui me concerne, jeune élu d'opposition en 1976 avant d'être maire en 1977, cette fusion aura été mon premier outil pour tenir tête aux « technocrates de valeurs » qui constituaient l'équipe de l'EPALE et à son président, par ailleurs président de la communauté urbaine de Lille, Arthur Notebart, pour qui rien n'était trop grand, au risque de conduire aux pires déséquilibres.

L'exemple de la plupart des villes nouvelles de la région parisienne nous montre ce à quoi j'ai contribué à nous faire échapper avec une jeune équipe, une volonté et une pugnacité sans faille mais qui n'aurait pu prendre toute sa dimension sans la fusion de 1970. Croire que ce résultat était dans l'esprit et dans l'espoir de « ses pères » serait sans doute un peu hardi. Mais les faits sont là.

C'est un peu dans le même esprit, avec une nouvelle équipe, avec une même volonté mais aussi avec d'autres objectifs, et dans un contexte beaucoup plus difficile, que j'ai « repris du service » en mars 2008.
Il s'agissait pour moi d'éviter qu'un jour on parle de Lille Est non pas comme on en parlait du temps de l'EPALE mais comme on a pu parler de Lille Sud.
Il fallait retrouver de nouveaux équilibres et surtout avoir une vision de Villeneuve d'Ascq à l'horizon 2020/2025.
J'ai eu cette volonté, j'en ai les moyens intellectuels, je n'ai plus de problème de carrière et d'ambition, j'ai une bonne équipe, les premiers résultats sont au rendez-vous, et l’on y va avec tous les villeneuvois qui le souhaitent.

« Le plus beau métier d'homme est le métier d'unir les hommes » (Antoine de Saint-Exupéry).

Ceux et celles qui refusent d'en être sont libres de ne pas le faire. Tant pis pour eux.
La politique politicienne, c'est dépassé !

Et pour ce qui m'anime, la nouvelle gouvernance, « une véritable » nouvelle gouvernance, s'il faut à la tête un (ou une) « chef d'orchestre », il faut un cœur collectif avec des membres reconnus par tous, dans leurs droits et devoirs, qui acceptent de travailler ensemble, au delà de leurs différences, en considérant que l'intérêt collectif n'est pas que l'addition d'intérêts individuels, des élus et des acteurs villeneuvois qui consacrent le temps nécessaire pour atteindre les objectifs fixés, sans avoir peur de déplaire, sans « jouer contre son camp », en restant tous des citoyens « comme les autres », avec, enfin, l'obsession de mener de front la gestion du quotidien et la préparation de l'avenir.

Quelle belle feuille de route pour une nouvelle gouvernance ! N'est-ce pas ainsi qu'on changera la manière de faire de la politique ?
Mais finalement n'est-ce pas plus difficile « à couvrir » en termes d'information qu'en usant de « petites phrases », d'agressions, de tensions, de divisions...

Dernier exemple en date, cette semaine dernière à LMCU. Trois dossiers importants en conférence de presse et en conseil communautaire :

Les deux premiers feront l'objet de divisions et d'affrontements... On en parle sur des pages entières.
Le 3ème fait état d'objectifs atteints et même dépassés en 2009, d'une perspective plus que positive en 2010, quantitativement et qualitativement, avec une anticipation décidée du Grenelle de l'environnement en termes de BBC (Bâtiments basse consommation) une politique aidée financièrement par LMCU.
Tous les rapports qui sous-tendent ce 3ème dossier sont votés à l'unanimité. Il passera quasiment inaperçu dans les médias.

J'aurais aimé parler, aujourd'hui encore, d'une violence dans la société qui m'angoisse avec des crimes gratuits qui devraient interpeller les amoureux gouvernementaux UMP de discours sécuritaires, dire ma consternation quand je vois les visages des dirigeants d'AREVA et d'EDF au sortir de l'Elysée, m'interroger sur notre engagement en Afghanistan, redire mon rejet des « petites lâchetés » vis-à-vis de tous les intégrismes religieux et leurs signes extérieurs.

J'aurais voulu dénoncer le recul de la morale civique et m'interroger sur les risques et certains signes de « désintégration » (le contraire d'intégration) des dernières générations migratoires contrairement à ce qui s'était passé avec les Portugaises, espagnoles, italiennes... et polonaises (dont je suis un représentant dit de la deuxième génération).

J'y reviendrai dans mes prochains carnets comme je reviendrai sur la taille des cellules familiales dans nos logements et, donc, sur leurs conséquences pour la démographie de nos villes.
La liste est, on le voit, loin d'être close et donc mes carnets loin d'être tous écrits.
Tu vois Bernard (Langlois), il ne faut pas se décourager. Il faut dire ce que l'on pense et continuer à le faire tant qu'on en a la force.

« L'expérience de chacun est le trésor de tous » (Gérard de Nerval)...
J'ajouterai : « et la pensée aussi ».

Je terminerai par une pensée de Jean d'Ormesson :
« L'éternité, c'est ce qu'il y a de plus fragile, c'est du papier. Qu'est-ce qui reste de tout le passé ? Non pas des idées, parce qu'elles s'envolent mais des mots écrits. »







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